MODE & ÉQUIPEMENTS
Comment sont fabriqués les protège-tibias de football ?
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Je suis parti à la rencontre de Laurent Moriceau et son entreprise Tibevolution, basée en périphérie de Nantes. Son créneau ? Les protège-tibias sur mesure. Une niche dans la niche des équipements sportifs, là où il y a pourtant tout à faire. Reportage sur la création d’une paire de protège-tibias sur mesure.
C’est un cadre plutôt atypique que Laurent m’a reçu. Ancien commercial pour une entreprise de corsets médicaux sur mesure, il s’est inspiré des méthodes de confection pour les adapter au monde du sport. C’est donc tout à fait normal de trouver des sculptures de bustes ou de jambes dans son atelier, qu’il continue de partager avec son ancien employeur.
Laurent Moriceau a décidé de se positionner sur un créneau très particulier : les protège-tibias sur mesure. « Sur mesure » dans leur technicité avec des produits performants, mais aussi « sur mesure » dans la personnalisation qu’on peut y appliquer. Pratiquant de rink hockey (du hockey sur rollers), il choisit le football « pour la taille du marché, il faut être honnête ».
Deux modèles sont confectionnés, tous les deux moulés à la forme du tibia du joueur : un en polyéthylène (plastique) d’entrée de gamme, pour les enfants notamment (car englobant une plus grande partie de la jambe), et un autre en carbone, fibre de verre ou kevlar pour ajouter de la légèreté. Ainsi, la paire suit le joueur durant toute sa carrière, car elle est parfaitement adaptée à sa morphologie et possède une très bonne résistance grâce aux matériaux employés.
Les protège-tibias sont le seul moyen pour un footballeur de protéger ses outils de travail. Pourquoi ne pourraient-ils pas avoir ce qui se fait de mieux ?
LAURENT MORICEAU
La fabrication des deux types de protège-tibias commence toujours de la même façon, avec une modélisation en 3D (via un scan 3D compatible uniquement avec l’iPad) des jambes du joueur. Un moule des tibias est ensuite fraisé à l’aide d’une machine de pointe, capable de détailler au dixième de millimètre.
Une fois le moule disponible, on y applique le matériau qui en fera une pièce robuste, afin qu’il prenne la forme du tibia. Si les protège-tibias sont en carbone, les couches sont empilées afin d’obtenir la résistance nécessaire. « Les matières sont régulièrement testées. Regarde ce protège-tibia, j’ai passé la soirée d’hier à taper dessus avec une batte de baseball. Il n’a pas bougé. »
Huit heures sous vide d’air sont nécessaires pour sécher la résine sur les couches de matériaux. Une fois sèches, elles sont emmaillotées pour y verser une mélange de résine et les figer, avec pourquoi pas un décor choisi par le joueur. « J’ai mis plusieurs mois à trouver le bon mélange pour la résine. C’est mon secret de fabrication. Mais là aussi, j’utilise des produits normalement employés dans le médical : bas, plastiques, … Le papier employé pour le dessins est aussi spécial, pour faire en sorte de rendre les bonnes couleurs et ne pas baver » ajoute Laurent, tout en évacuant les bulles d’air d’un tibia.
Reste ensuite à y ajouter la mousse pour les tibias. « Ce sont des mousses portées notamment par des malades à fort handicap, permettant à la jambe de respirer. J’ai un bon choix de couleurs et d’épaisseurs. » Les bords sont ensuite polis pour ne pas blesser le porteur.
Chaque paire demande entre deux et trois jours d’attention, d’où un prix élevé qui n’est pas censé effrayer des joueurs attentifs à leur corps : « sur les 350€ environ d’une paire, je ne gagne pas grand chose. Je pourrais les vendre beaucoup plus cher, comme on me le dit souvent. J’utilise les meilleurs matériaux et je me déplace pour scanner les jambes de mes clients. Cette semaine, je vais à Lyon pour l’équipe féminine. » ajoute le patron de Tibevolution.
Plusieurs joueurs professionnels ont déjà fait confiance à Tibevolution pour réaliser ce qui protège leurs outils de travail. Souvent, ce sont des jeunes joueurs, ayant cerné le bénéfice réel. « Les protège-tibias sont souvent cachés dans les chaussettes, donc les joueurs n’y font pas attention. Ils prennent la paire que leur fournit leur équipementier, mais elle n’est pas souvent adaptée. Elle glisse, elle tourne, ils ajoutent 2 mètres de sparadrap pour la faire tenir. En plus, mes protège-tibias ne remettent pas en cause leur contrat de sponsoring » argumente Laurent.